
Au royaume de la grâce
Nicole Pessin fait partie de ces artistes dont la création ne fait pas seulement apparaître ce qu’on nomme une œuvre, mais ouvre le seuil d’un autre monde, tout à la fois familier car issu de nos enfances, et entièrement nouveau car mesuré selon les proportions poétiques d’un rêve ouvert à nul autre pareil. Passer cette invisible frontière à dos d’oiseau, c’est en effet entrer dans un pays enluminé de tendresse et d’énigme fine. Fleurs, animaux, personnages, saisons, îles et villages, tout y respire la liberté lumineuse d’une grâce magique, celle de l’état d’apesanteur que nous ne connaissons généralement qu’en rêve. Les dessins de Nicole Pessin sont chacun tissage et floraison rassemblant les pollens de multiples origines recréées par l’artiste en une alchimie aussi originale qu’elle est universelle : livres d’heure, miniatures, estampes, tapisseries, toutes ces graines subtiles entrent dans la composition de ces images délicates et raffinées qui savent aussi préserver le don précieux des grands émerveillements. Cet impalpable royaume de contes et de secrets chuchotés déploie ses harmonies chromatiques avec une fluidité si souple que nous pourrions jurer en avoir vu s’animer sous nos yeux les paysages, les êtres et les bêtes, toujours si élégants qu’ils semblent composer une mince calligraphie de formes et de gestes purs. Tel est le poème visuel de Nicole Pessin en son charme de rosée naissante et simultanément intemporelle.
Marc-Henri Arfeux, décembre 2022.
Gwenaël et la fée de la mer
Le long chemin
Tournant résolument le dos, pour un instant seulement, à l’actualité morose du moment, Dominique Barbier met en relief la sensibilité de deux artistes qui se superposent. Elle laisse glisser un souffle poétique sur les mots du récit de Monique Gilet et les illustrations de Nicole Pessin.

Ses yeux clairs scrutent la bande de sable fin. Silencieux et solitaire, l’enfant avance à petits pas serrés. Dans ses mains quelques coquillages, luisants et pourpres, se dolentent d’avoir été rejetés par les flots.
À peine a-t-il saisi le coquillage nacré, donné par la fée, qu’il se remet en route. Sur le sable humide, ses pieds nus dessinent des arabesques élégantes et folâtres. Souverain absolu de l’azur, le soleil accablant et brûlant, ironise sur le souffle léger du vent. La plage, irisée, frissonne sous les grains qui virevoltent et s’égrènent en pluie de lumière.
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Sans conteste, c’est à l’instant précis de cette première lecture que surgit toute la magie des illustrations de Nicole. Alors que les mots s’ajoutent aux mots, que l’histoire se déroule paisiblement dans la conscience, l’esprit s’échappe instinctivement et s’accroche aux images peintes. Elles nous attirent et suscitent en nous le parfum d’une autre aventure, la création d’une histoire plus clandestine…
L’enfant absorbé par le flux de l’écume mousseuse, l’ombre de l’oiseau sur la lande parfumée, le mystère de la fée des mers, chaque aquarelle concoure à une reprise du conte proposé.
Comment ne pas évoquer, aussi, la grâce et l’embellissement de l’illustration ? Broderie ? Feston ? Parure ? Quoi qu’il en soit la délicatesse et la finesse du travail de l’artiste, traversent les décennies comme des orfèvreries. Irrésistibles et reconnaissables entre mille autres œuvres, elles écartent le rideau d’un théâtre qui s’ouvre sur l’infini des saynètes.
C’est ce que l’on nomme le talent…
Dominique Barbier, août 2020


Nicole Pessin, peintre de la solitude, du silence, du noir si « coloré » !
L’artiste, qui est une touche-à-tout de l’art, peut peindre la solitude de ses petits couples échangeant des serments dans l’enfermement d’un ovale ou d’un cercle qui les place, de fait, dans un authentique huis clos. Où régnerait à l’intérieur le calme grave et l’harmonie ; tandis que l’extérieur est granité de milliers d’infimes pointillés et plumetis, semblant en mouvement telles les limailles de fer attirées par des aimants ! D’où le paradoxe entre leur attitude amoureuse supposée être de bonheur et le péril né de leur situation.
Et le visiteur se demande pour quelle nécessité intérieure Nicole Pessin enferme ses personnages dans ces sortes d’ellipses ? Est-ce parce que les formes circulaires renvoient à l’idée de perfection ? Ce serait une façon simpliste d’interpréter ses œuvres ! Il faut dire que ses scènes représentent souvent des couples amoureusement installés, des princes et des princesses, peut-être ! Oubliant qu’ils sont en fait prisonniers, ils sont donc là comme dans un nid, dans la plus étroite intimité, le silence absolu ! A tel point que parfois, ils semblent ne faire plus qu’un. Certes, l’artiste souligne certaines formes et travaille le contour en glissant sur la surface du tableau, mais liés l’un à l’autre, il est impossible de les imaginer dissociés.
Et, ainsi, de son sens de l’harmonie trouvé dans les réponses du matériau ; de sa manière si calme de transcrire en gris et noir aux nuances infinies la solitude, peinte avec des délicatesses de dentellière ; de ses complicités amoureuses autobiographiques ou purement fantasmatiques, grâce à son savoir-peindre, son imaginaire qui lui permet de « dire » sans réalisme voire avec du non-dit… les personnages de Nicole Pessin sont, par l’éternité des sentiments qu’ils expriment ou suggèrent ; par leur totale adéquation entre création, réalité et fiction, porteurs d’un message universel d’une poésie puissante !
Jeanine Rivais, février 2020

Pour parler de l’univers artistique de Nicole Pessin il me faut inventer le mot d’enlumineresse. Un mot hybride issu de la finesse des enluminures et du charme des enchantements.
Nous voilà conviés à des voyages infinis dans des mondes à la fois familiers et dépaysants, peuplés de créatures à étranges mais jamais étrangères. Y pénétrant presque clandestinement, peut-être ne sommes-nous pas de l’autre côté du miroir mais devenons nous- le reflet même ce que nous admirons, de ce qui nous séduit et nous capte quasi à notre insu…
Un monde de couleurs aussi douces que fortes qui ravit l’âme au sens propre du terme. Entrez donc à vos risques et délices.
Jacqueline Fischer, mai 2020

Mélusine
Mélusine est l’âme à la fois visible et farouche de Sassenage. Le château des Bérenger, les grottes, le torrent, même les gorges profondes parlent d’abord d’une femme admirable mais dont l’amour s’est retiré entre la vie d’une famille et la force enfouie de la terre. Voir le château des Bérenger avec, au-dessus de la porte la fée gravée dans la pierre, écouter le torrent fou en le surplombant et, dès l’entrée des grottes, sentir le froid de l’obscurité souffler jusque dans le coeur d’une solitude si chère et magique, donne à deviner près de soi Mélusine. Quels lieux sincères, et pour toujours ! Car l’on reviendra, et dès qu’on aura entendu raconter la légende, il semblera que rien n’aura été inventé. On aura le bonheur de vivre une complicité avec la nature, des images, des sentiments comme en fête ici et dans une histoire qui est aussi la nôtre.
Régis Roux, le 16 juillet 2019.

Ce qui fascine c’est l’extrême rectitude de l’agencement, la rassurante rationalité de la mise en œuvre, comme une confiance renouvelée dans l’harmonie que peut offrir le monde. L’encadrement est redoublé dans la peinture elle-même : non rien ne peut nous arriver de mauvais si l’on se fie aux signes. La douceur des tons, la rigueur donc du cadre et les arabesques répétées, tout nous renvoie au temps passé de l’Art Nouveau, comme à une sorte d’Age d’Or. Les étoiles apparentes et les points lumineux rappellent la neige enfantine, celle qui promettait que le monde vaut la peine qu’on y vive.
Emmanuel Merle, 2019

Peindre pour transcrire la parole et le silence
Peindre pour transcrire la parole et le silence, créer une symphonie de vent, de clarté, de couleurs, de danse et de vie, toute l’oeuvre de Nicole Pessin nous incite à retrouver notre part de rêve perdu. Décelons dans l’évasion onirique de ses tableaux, l’alliance de la joie, du désir, du chant de la source, de la sève substantielle et quittons, un instant, l’amertume du coeur pour la mélodie du corps. Dans une exécution parfaite, le pinceau et la plume de cette Princesse réalisée, nous donnent tout simplement la liberté d’être. Osons être funambule, elfe, Prince charmant, petite fille oubliée car c’est maintenant et c’est le bon endroit.
Dominique Barbier, 2018

Les mille et une fantaisies de Nicole Pessin
Entrer dans l’univers de Nicole Pessin, c’est entrer dans une cosmogonie d’êtres et objets divers. On peut certes partir en quête de symboliques mais aussi tout simplement se laisser porter par le plaisir du voyage.
Ses tableaux, encres et aquarelles sur papier, sont travaillés à la loupe, avec la minutie et la patience des enlumineurs. C’est d’ailleurs tout d’abord la lumière qui frappe dans ses créations, et la douceur des couleurs chaudes. Le sujet est souvent présenté au centre d’un médaillon, tel un miroir qui s’ouvre vers on ne sait quel rêve et nous conduit de « l’autre côté », une époque fantasmée où se côtoient paysages, frises végétales, anges et madones, mariés de frais, bêtes, navires et tours de Babel. L’iconographie peut prendre ses sources dans les livres d’heures, ou vagabonder vers l’Asie, à la recherche d’un Merveilleux qu’aime l’artiste.
Quelques œuvres en volume seront présentées : trois éventails ; un ange suspendu à une branche ; des tableaux en relief inspirés des paperolles fabriquées par les couventines (ces bandes de papier enroulées et collées qui servaient d’ornementation aux reliquaires)…comme des ex-voto, en hommage à la vie.
Seront exposés également ses dictionnaires et abécédaires, accompagnés des textes poétiques de Jean-Paul Gavard Perret.
A chaque fois, ce qui frappe, c’est la finesse du trait qui s’enroule et s’étire, un travail arachnéen de dentellière qui tisse ses rêves.
Et l’on se prend à murmurer une fantaisie nervalienne :
…Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;
Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue… et dont je me souviens !
Sentier des songes…
J. L. Desmazières, le 22/04/2016

Nicole Pessin ou l’art sur le sentier d’un songe
Nicole Pessin a fait de l’aquarelle ses cieux, de l’encre sa terre. Ici, des personnages ailés se font parfois marcheurs, dans l’aube d’or de ses créations aux accents symbolistes. L’art de Nicole Pessin nous enveloppe de dorures, couleurs, tissus, et c’est nimbés de ce violine incandescent qui lui est si cher que nous nous transformons, chrysalide nouvelle hors de la sombre gravité qui nous oppressait alors.
Evoluant d’arbres d’automne en carrelages damés, d’herbes folles en tapisseries du vieux temps, nous naissons à un monde affranchi des lois de la pesanteur et rythmé par le lent déploiement de fleurs kaléidoscopiques.
Il en est des détails de la composition comme de la cartographie d’un coeur, où flux et reflux des courbes de papiers et de perles épousent l’intime secret du sentiment.
Verre de vin, canne et chapeau melon nous parlent de dandys aux poses nostalgiques qui côtoient d’un sourire l’envol fantastique de larges plaines d’automne au bruissement d’oiseaux. Nicole Pessin, l’artiste aux tableaux de lumière énigmatique. Son recueil intérieur : c’est un bestiaire des silences marins, c’est un herbier de floraisons mutiques, c’est une nuit éclose et triste que réveille soudain le train vert et tardif . Synesthésie parfaite, ses oeuvres se parent de poésies parfois urbaines souvent miraculeuses, dans un monde où le possible reste le désiré. Et rien ne dit mieux cette harmonie de la couleur du mot que ses enluminures d’alphabets, véritables vestiges d’un art presque oublié.
Lettres et instants se mêlent : infiniment proches, infiniment lointains, car l’ailleurs n’a jamais été aussi intime que sur ces pages que Nicole Pessin habite de sa douce mélancolie. Ici il n’est que l’image : seul début, seule fin, seule vie. L’oeuvre de cet artiste est toute d’un voile de surimpression pudique et patiné : les yeux se closent, les silhouettes s’en retournent, seuls les anges proposent leurs visages mutins à la contemplation. » La Nature est un temple où de vivants piliers /Laissent parfois sortir de confuses paroles ». Son oeuvre rayonne de cet art des Correspondances qui furent si chères à Baudelaire en ce dix neuvième siècle industriel.
Et les temps n’ont pas changé ; qui sombrent encore irrémédiablement dans le moderne gris de l’acier diabolique.
Nicole Pessin anime d’une flamme toute personnelle les habitants endormis de cités oubliés. Ses gestes minutieux témoignent de l’attention aimante qu’elle insuffle à son monde, lent, rare et beau. Il nécessite pour nous le cristallin d’une âme enfantine et se laisse apprécier au son d’un piano de Rêverie nocturne, pour une déambulation funambule munis d’un balancier de voile blanche nous parcourrons ces oeuvres comme on parcourt un songe.
Mélanie Chambefort, 2015

Encrez-vous !
Nicole encre son monde sur du papier brumeux pour déguiser le réel et délave des horizons pour mieux colorer les cieux.
Place au motifs irréels et aux courbes de couleurs dans la joyeuse solitude des losanges où dansent des arlequins carmin. A travers les champs de fleurs lettrées et les mers de tourelles aériennes s’élèvent des montgolfières oniriques et ondulent des navires de minutie: le trait fin de Nicole se recroqueville et s’étire avec une rigueur presque musicale pour s’enrouler autour de vos yeux et courir sur une route d’aquarelle à la rencontre de votre curiosité.
Clémentine, 2014

Après le déluge auquel ils avaient échappés,
Les hommes de la terre décidèrent d’aller toquer Dieu.
Pour atteindre la porte des cieux, ces hommes ambitieux
Décidèrent d’empiler pierres et matières pour une tour édifier !
Forts d’un langage commun et unis par le pouvoir et la peur
Rien ne semblait pouvoir arrêter leur mythique labeur.
Ce n’était pas sans compter sur Dieu qui ne voyait pas d’un très bon œil
Cette provocation de ses chères brebis engraissées d’orgueil !
La prouesse architecturale à l’esthétique très sensible
Allait faire naître la colère du ciel et de son représentant
En ramenant sur terre toute cette matière et ses habitants …
A vouloir atteindre le pouvoir, l’identique ou l’inaccessible
L’homme prend le risque de se casser les dents
Et qu’il a tout à apprendre de ce en quoi il est différent …
Autour de la toile de Babel,
Laurent Vivenza
21 Mars 2013

Un monde enchanteur
C’est un monde enchanteur, dans lequel Nicole Pessin nous entraîne. Les tours de ses châteaux, hautes et fuselées, projettent dans des cieux mordorés leurs élans chevaleresques. Il arrive aussi que des portes s’entrouvrent sur des arbres sans feuilles, décrivant l’hiver permanent. Ses villages, stratifiés ou contenus à l’intérieur du trait, émettent des lumières aux fenêtres, nous invitant. Dans le crépuscule des campagnes, des anges et des femmes aux couleurs chaudes et vétustes, surgissent du passé : d’un temps si ancien qu’il n’est accostable que dans les rêves. Présents dans l’univers merveilleux de l’artiste : les animaux. On devinera qu’elle les aime… Dans une contemporalité parfois préoccupante, les temps anciens offrent ainsi un refuge. Suspendu au charme des chromos, le regard vacillera de tant d’ingénuité. Tout, dans ces compositions, induit un apaisement de l’âme et ôte au visiteur la volonté de combattre en ce monde. Le propulsant dans une dimension cosmique que l’artiste symbolise par des ronds noirs, kyrielle planétaire dont la réorganisation spatiale lui appartient. Ces planètes à l’encre de Chine, c’est en fait pour offrir à l’oeuvre une saveur de futur antérieur. Et quand les formes des damiers oscillent, quand en lisière de la folie le cerveau déploie des facultés étranges qui évoquent l’échiquier improvisé décrit par Stefan Zweig, nous jetons l’ancre en Pessinie. Chez Nicole PESSIN, les rayons de l’esprit produisent en effet une grande force régénératrice. Pris au piège délicieux de l’envoûtement vespéral, on a envie de rejoindre Merlin…
Dominique Tardies, 2009

Nicole Pessin ou les sentinelles égarées
Nicole Pessin nous proposent par ses « peintures » l’espace d’un d’étrange voyage dans lequel paradoxalement ses personnages nomades (anges par exemple) semblent immobiles et deviennent des sentinelles égarées mais plutôt paisibles et bienveillantes même si elles sont d’une certaine manière « piégés »(emmitouflées ou démembrées). Toutes semblent accepter leur sort : elles semblent portées par la fatalité de leur destin sans s’inquiéter outre mesure comme si elles témoignaient de la condition humaine à la recherche d’un équilibre précaire. A travers un tel univers Nicole Pessin semble non seulement se découvrir mais ose affirmer ce qu’il existe de plus profond en l’être à travers sa figuration paradoxale. Elle crée afin que nous trouvions un sens, mais pas n’importe lequel : le sens pour elle ce n’est pas ce que cela veut dire mais vers quoi ça va – peut-être un » bien » que nous possédons sans le savoir. Les dépeupleurs de l’artiste ouvrent donc à un au-delà ou à un en-deça, bref à un lieu où l’inconscient s’exprime hors des mots, entendons de ce qu’ils ne pourraient dire.
Jean-Paul Gavard-Perret, 2007

© Adagp, Paris, 2017