Prose de Jean-Paul Gavard-Perret

La loi est tombée de la toge des clercs.
La voix du censeur s’est élevée mais elle n’est déjà qu’un cri d’arbre mort.
Dans la gorge du Christ cette boule d’angoisse où s’effondre la prière

La route est de flamme.
Sous un soleil de plâtre, les invectives pleuvent.
Le long chemin s’attelle aux deux poutres qu’il faut porter pour rejoindre par l’obscur la lumière

Les membres du martyr valent une toison d’or
mais ils n’échappent pas au faix non seulement du bois de la croix
mais de la forêt des hommes.

Elle était si jeunesse et si beauté.
Mais elle est devenue douleur de la douleur.
Ses larmes lavent son visage puis se mêlent à la poussière qui devient boue salée
quand son fils s’éloigne.

Tandis que la sueur déferle, le Juste partage la ramure du martyr.
Ses muscles sont à la hauteur de la circonstance

La femme du bout des doigts offre un pan de son habit pour éponger l’indispensable sueur.
Elle l’offre en pleurant.
De la haine et à l’indifférence, elle ne se lave pas les mains.

Sous les rayons du soleil, la croix tord celui qui la supporte,
il tombe emporté par le courant sans le secours de la pesanteur.
Les coups pleuvent pour le relever.

Habillées de noir, accrochées aux rives obscures du calvaire,
de pâles vierges maigres comme leur dieu,
reçoivent son espoir de ses lèvres qui se dessèchent.
Elles l’ignorent mais elles seront sauvées.

La croix est traînée par le noyé.
Ses genoux cèdent encore, sa poitrine tenaillée n’est qu’écorce.
Il se relève, il doit aller au bout de ce qui a commencé et ne supporte plus d’arrêt.

Les gardes se félicitent. Pour eux le plus dur est fait.
D’un coup d’épée, les derniers oripeaux du crucifié sont déchirés
et tombent du torse du crucifié jusque sur leurs pieds.

Le corps est fiché comme celui d’un animal féroce et de mauvais augure.
Qui a planté les clous et en a fait ses délices redescend de la colline enceint de sa fierté.

D’autres sont chargés de surveiller celui qui se tord
et qui dans un dernier cri lance « Père pourquoi m’as-tu abandonné ? ».
Il meurt non consolé sous un ciel muet.
C’est un jour saint, un jour sacré.

Du haut de la colline, le corps est arraché.
Bien des épines en sont tombées.
Des rires secouent ceux qui se croient vengés et qui sentent leurs os se gonfler.

Les cohortes hurlantes ont disparu.
Marie Madeleine, Véronique et quelques fidèles forment un mince cortège.
Dieu reconnaîtra les siennes et les siens.
Paix sur la terre aux femmes de bonne volonté.

© Adagp, Paris, 2017